Parmi ceux-ci, Anne Pédronni. Elle a ouvert un bar-restaurant au centre de Genève il y a tout juste deux ans. « Nous avons multiplié par deux notre chiffre d’affaire entre 2018 et 2019. Autant dire que nous étions très bien partis. Le Covid nous a littéralement coupé les ailes en plein envol ». L’établissement a donc fermé peu avant le 15 mars. Sa vingtaine de salariés a été mise au chômage partiel. Mais elle, n’a pas cesser de travailler. « J’ai passé beaucoup de temps avec ma fiduciaire (bureau de comptabilité, NDLR). J’ai cherché des solutions financières, techniques et administratives en permanence ».
Tous perdus
Ce qui l’a le plus déstabilisé, c’est le changement de pied quasi-journalier des consignes fiscales. « A un moment donné, on ne savait plus comment rédiger une fiche de paye. Ca changeait tous les jours ! ». Plus étonnant encore, le manque total d’informations officielles, selon elle. « On en était réduit à échanger des infos entre commerçants ou à écouter les médias ».
Bref, une navigation à vu dans un pays qui aime avant tout la stabilité. Anne reconnaît pourtant avoir très vite été aidée par l’Etat. Mais à titre individuel. « En tant que salariée-patronne, j’ai reçu 3200 CHF (3000 euros) par mois. Moindre mal ». En France voisine, un patron d’établissement de la même taille et au même statut, n’a reçu aucune compensation.
15 jours d’avance sur la France
Le semi-confinement a été levé fin avril en suisse. Les bars et les restaurants sont eux ouverts depuis 15 jours. Mais les tables sont limitées à quatre personnes jusqu’au 6 juin. « Ca ne joue pas pour nous », affirme Anne Pédroni. « Notre clientèle, ce sont souvent des groupes d’amis, des sorties d’entreprise… Pas vraiment des soirées en amoureux ». De fait, Anne a bien fait revenir son personnel. Mais les clients, eux, ne sont pas encore là. Douze à 30 couverts tous les soirs contre une centaine habituellement. Elle estime que ses employés ne sont occupés que 15% de leur temps. « Il fallait bien rouvrir. De toute façon, nous n’avions plus de soutien de l’Etat à partir de fin avril ».

Laurent Terchlinchamp est président de l’association des cafetiers et restaurateurs genevois. Il estime dans le journal suisse « Le Temps » qu’un tiers de ses 1500 membres ne résisteront pas à cette crise. Un récent sondage de Gastrossuisse montre que 9 restaurants sur 10 travaillent actuellement à perte. Ce qui amène certains à ne pas vouloir rouvrir avant un déconfinement total. Laurent Terchlinchamp estime que cette reprise est très lente, voire catastrophique.
Suivre au plus près la situation
De son côté, Anne Pédroni fait toutes les semaines des briefings serrés avec ses managers. « On passe notre temps à ajuster. Les achats, le nombre de serveurs chaque soir, la communication sur les réseaux sociaux », dit la cafetière qui se désole de ce déconfinement trop lent. Impossible d’organiser des soirées anniversaires. Il faut que l’établissement soit fermé à minuit, ménage fait. Terminé aussi de faire la bise au client, « la moitié refuse aujourd’hui ».
La réouverture totale de la frontière le 15 juin devrait donner un peu d’air à son établissement. Elle estime qu’un tiers de ses clients habitent la France voisine. Mais beaucoup sont déjà à Genève la journée. Et certains ne sont pas encore revenus du télétravail. « Ca sera pour septembre », pense-t-elle. En attendant l’été sera long.